A map is a symbolic representation of a physical territory. While a cartographic map holds an iconographic relationship to the territory it represents, a purely linguistic map does not. This piece examines the linguistic representation of a territory at the orthogonal extremes of accuracy and illegibility.
Conventional ways of assessing referential artifacts are grounded in usability. Map readers expect maps to correspond to reality, and to convey that reality with minimal friction and maximal verity. These modes of judgment form two intersecting axes: the first, inaccurate ↔ accurate, measures the closeness of a map to its territory; the second, illegible ↔ legible, measures the readability of the representation.
For a number of decades, the official boundary dividing Alaska from Canada was legible but inaccurate. The Treaty of Saint Petersburg of 1825, composed to demarcate Russian and British territorial possessions, traverses in language an imagined geography too treacherous to survey directly. Its “mountains which extend in a direction parallel to the coast”[1] appear continuous only when viewing Alaska from the ocean; in actuality, the peaks are “broken up in groups known in Southeastern Alaska as the Cascades, St. Elias, Wrangell, Chugach, and Kenai Ranges, and in Western Alaska as Aleutian Range.”[2] The “sinuosities” of the coast it describes are complicated by the volcanic Aleutian Islands, which each year cause the continent to “[encroach] a little more on the sea.” In fact, no major surveys of the treacherous, remote, and sparsely-populated peaks and inlets of the border were conducted until after the United States acquired Alaska in 1867.[3] During the Klondike gold rush, when Canada’s desire for direct access to the sea made imperative the specific demarcation of potentially gold-rich territory, a tribunal converged to attach the words of the treaty to the territory they purported to signify.
Borges describes a map at the furthest extreme of illegibility and the highest extreme of accuracy, coinciding “point for point” with the empire it represents.[4] Its meticulous detail, so precise as to be unusable, foregrounds the threadbare medium that comprises it. The map is a forgotten artifact, the residue of near-perfect cartographic practice that renders the landscape so faithfully it becomes one with it, losing all utility.
This piece adopts the textual medium to the extremes of illegibility and accuracy. Employing computer-assisted language to textually re-render the present day Alaskan border, it traces the edge of Alaska, vertex by vertex, from the mountainous southeast corner of the state to its northern intersection with the Arctic Ocean. The heft of the text becomes an inaccessible terrain unto itself, frustrating the reader’s traversal through its lettered topography. It foregrounds the linguistic medium as a barrier to understanding, stretched thin by exhaustive signification.
Une carte est une représentation symbolique d’un territoire physique. Si la « carte cartographique » représente un territoire au moyen d’une relation iconographique, ce n’est pas le cas d’une carte comme celle présentée ci-dessus. Purement textuelle, cette carte interroge la représentation linguistique d’un territoire aux extrêmes orthogonaux de la précision et de l’illisibilité.
L’évaluation de la qualité des artefacts de référence est, conventionnellement, fondée sur la facilité d’utilisation. La personne qui va employer une carte s’attend à ce qu’elle corresponde à la réalité, et à ce qu’elle transmette cette réalité avec un minimum de friction et un maximum de vérité. Ces modes de jugement forment deux axes orthogonaux : le premier, imprécis ↔ précis, mesure la proximité d’une carte avec son territoire ; le second, illisible ↔ lisible, mesure la lisibilité de la représentation.
Durant plusieurs décennies, la frontière officielle séparant l’Alaska du Canada était lisible mais inexacte. Le traité de Saint-Pétersbourg de 1825, qui délimite les possessions territoriales russes et britanniques, traverse en langage une géographie imaginaire trop traître pour être arpentée directement. De fait, « ses montagnes qui s’étendent dans une direction parallèle à la côte », décrites par John Munro,[1] n’apparaissent continues que lorsque l’on observe l’Alaska depuis l’océan. En réalité, les sommets sont, comme le précise John Brown, « répartis en groupes connus dans le sud-est de l’Alaska sous le nom de Cascades, St. Elias, Wrangell, Chugach et Montagnes Kenai, et dans l’ouest de l’Alaska sous le nom de Chaîne aléoutienne ».[2] Les « sinuosités » de la côte qu’il décrit sont compliquées par les îles Aléoutiennes, qui chaque année font que le continent « empiète un peu plus sur la mer ». En fait, aucun relevé systématique des pics et des bras de mer —traîtres, éloignés et peu peuplés— de la côte n’avait été effectué avant l’achat de l’Alaska par les États-Unis à l’empire russe en 1867.[3] Pendant la ruée vers l’or du Klondike, lorsque la volonté du Canada d’avoir un accès direct à la mer a rendu impérative la démarcation spécifique d’un territoire potentiellement riche en or, il a fallu réunir un tribunal pour relier les mots inscrits dans le traité de 1825 au territoire qu’ils étaient censés délimiter.
Borges décrit une carte à l’extrême de l’illisibilité et à l’extrême de la précision, coïncidant « point par point » avec l’empire qu’elle représente.[4] Son détail minutieux, si précis qu’il en devient inutilisable, met en avant le support évanescent qui le compose. La carte est un artefact oublié, le résidu d’une pratique cartographique quasi parfaite qui rend le paysage si fidèlement qu’elle ne fait plus qu’un avec lui, perdant ainsi toute utilité.
Notre carte adopte le support textuel jusqu’aux extrêmes de l’illisibilité et de la précision. Utilisant un langage généré par ordinateur pour restituer en phrases l’actuelle frontière de l’Alaska avec une minutieuse véracité, elle retrace le bord de l’Alaska, nœud par nœud, depuis le coin montagneux du sud-est de l’État jusqu’à son intersection nord avec l’océan Arctique. Le poids du texte en fait un terrain inaccessible en soi, frustrant la lectrice ou le lecteur dans son parcours à travers sa topo-typo-graphie. La carte présente le médium linguistique comme une barrière à la compréhension, qui se délite dans un effort d’épuisement de la signification.
(Translated by Philippe Rivière)